Les mots reprennent leur dimension sensuelle.
Ce soir, j'ouvre mon cahier, celui qui ne me quitte jamais, certains d'entre vous s’en souviennent, peut-être, je l'ai acheté à l’exposition Prévert, sur la couverture sont griffonnés de sa main, des petits dessins ou des notes concernant un spectacle.
C'est un charmant cahier tout simple, un petit format de la taille de ceux dont on se servait à l'école. Les pages sont habillées de lignes et j'avoue qu'elles me sont bien utiles car je n'ai jamais su écrire droit sans elles.
Si vous regardez bien les étals, en ces temps où sévit la mode « vintage », vous les trouverez sans peine déclinés à l'infini, ils attireront votre regard par leur couverture toute mignonne qui vous ramènera directement à votre enfance.
Ce soir, j'ai choisi un stylo, pas n'importe lequel, non, un de ceux que mon amour m'a offerts.
Il est très tard, et je n'ai pas le courage de prendre une belle plume, de sortir l'encrier, et de remplir le stylo précautionneusement. Mais je le ferai demain, juste pour avoir ce merveilleux plaisir de voir l’encre tachée la page au rythme lent et fluide que ma main lui impose ou parfois au contraire dans l'impatience d'une main trop nerveuse.
Ce soir, les mots qui noircissent la page sont fluides, calligraphiés ce qui leur redonne une dimension sensuelle, eux qui incontestablement l’avaient perdue alors que sottement je les dactylographiais avec maladresse.
Ce soir, je reprends vraiment, réellement du plaisir charnel à écrire, le stylo épouse les doigts de ma main gauche alors que la droite se vautre avec délicatesse sur le papier du cahier.
La pointe du stylo effleure la feuille, je penche maladroitement ma tête pour ne pas la perdre du regard alors qu'avec magie les mots se dessinent.
Ce soir, je redeviens l'enfant qui se tenait affreusement mal, qui penchait en bonne gauchère son cahier pour éviter l'ombre de la main sur sa page.
Aussi improbable que cela puisse paraître, c'est grâce à la technique que ce soir je peux à nouveau prendre le temps d'écrire à la plume.
Depuis quatre ans, j'ai noirci nombre de cahiers, parce qu'au moment où les mots arrivaient, le clavier était bien trop loin, le cahier était alors un lieu de passage transitoire, un lieu d'attente avant que les mots s'inscrivent au cœur d'un disque dur.
Aujourd'hui, j'ai acquis un logiciel de reconnaissance vocale et du coup puisque taper les mots n'est plus un passage obligatoire qui génère une grande perte de temps, le petit cahier qui ne me quitte jamais devient le seul lieu véritable qui accueillera la naissance des mots.
Ce soir, je vous offre des mots simples qui n'ont pour seule raison d'être que d'avoir été délicatement tracés sur une feuille de cahier.
Et, c'est stupide n'est-ce pas ! Mais ça les rend tout fiers !
Encore une fois, ma sensibilité exacerbée me pousse à m'attacher à ce qui n'est pour certains que menu détail. Mais je suis ainsi faite, et j'aime savourer à leur juste valeur ces petits bonheurs qui émaillent notre vie, c'est ma manière à moi, chère Quichottine, de regarder les bleus du ciel…
Wissous, le 28 mars 2009
Sur un cahier Prévert, à mon bureau, tard…
Avec pour seule musique le tic-tac d'une horloge…
Je n’ai pas, hélas, dessiné l'image, j'en suis bien incapable
La voici dans son contexte original :